Concert baroque novembre 2023

mercredi 22 Ă  20h et dimanche 26 novembre Ă  15h.

Gloria, Antonio Vivaldi (1678 – 1741)

Est-il personnage plus connu et plus mystĂ©rieux qu’Antonio Vivaldi ? Sa musique a dĂ©sormais traversĂ© les siècles et les continents, et pourtant, c’est ce mĂŞme compositeur qui meurt dans l’anonymat le plus total, entraĂ®nant dans le nĂ©ant la majeure partie de son oeuvre, avant la rĂ©surrection musicologique du dĂ©but du XXe siècle. Vivaldi semble s’amuser Ă  compliquer la tâche de qui voudrait trop ordonner son existence. Il exerce simultanĂ©ment tous les mĂ©tiers, il pratique ensemble tous les genres musicaux, sautant de l’Ă©glise au théâtre, du concerto Ă  l’opĂ©ra, ludion facĂ©tieux refusant les tiroirs habituels du biographe. Reconnu comme un prodigieux virtuose du violon, il donne sa forme dĂ©finitive au concerto que presque tous les compositeurs europĂ©ens, du plus petit au plus grand, vont adopter. Son oeuvre protĂ©iforme, riche de centaines de pièces, comporte certes beaucoup de redites et de formules toutes faites, mais aussi des merveilles d’invention, de fraĂ®cheur, de poĂ©sie et de vivacitĂ©.

Fragment sans doute d’une messe plus solennelle, le Gloria RV 589 (Ă  ne pas confondre avec le Gloria RV 588) fut crĂ©Ă© en 1713 et chantĂ© pour la fĂŞte de la Visitation de cette mĂŞme annĂ©e, Ă  l’Ospedale della PietĂ  de Venise, probablement pour marquer la prise de fonction de Vivaldi en tant que maĂ®tre de chĹ“ur.

C’est l’une des meilleures approches de ce qu’Ă©tait la musique religieuse italienne au dĂ©but du XVIIIe siècle, composĂ©e pour valoriser la prière connue des pratiquants. Il porte la marque de fabrique du VĂ©nitien avec son lyrisme Ă©clatant, ses procĂ©dĂ©s violonistiques, ses passages obligĂ©s au style religieux, sa façon de traiter l’orchestre, ses ornements et sa vivacitĂ© rythmique.

Ce Gloria a Ă©tĂ© composĂ© pour alto, soprano, chĹ“ur mixte, orchestre Ă  cordes, trompette, hautbois et basse continue. Il met en valeur les voix de femmes : tantĂ´t elles alternent avec les chĹ“urs, tantĂ´t elles sont en duo avec un instrument comme dans le Domine Deus, Rex cĹ“lestis oĂą une soprano dialogue avec un violon ou un hautbois. Le compositeur se comporte avec une grande libertĂ© face au texte sacrĂ©. Il lui arrive de diviser un verset en deux mais aussi d’en regrouper plusieurs en un seul Ă©pisode musical. Il obtient ainsi douze parties lĂ  oĂą le plain-chant grĂ©gorien en compte dix-sept. Par son enthousiasme et son sentiment religieux profond, Vivaldi a su donner Ă  ce texte magnifique un Ă©clat extraordinaire. Sa renommĂ©e en fait très certainement l’œuvre pour chĹ“ur et orchestre la plus emblĂ©matique du « prĂŞtre roux ».

 

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Te Deum, Charpentier (1634 – 1704)

Marc-Antoine Charpentier fut, après Lully, la figure la plus marquante de la vie musicale française de la fin du XVIIe siècle, avec une production prolifique de musique profane et sacrée.

Dans sa jeunesse, il Ă©tudie Ă  Rome avec Giacomo Carissimi, acquĂ©rant une prĂ©cieuse expĂ©rience directe de l’opĂ©ra et de l’oratorio, deux formes relativement nouvelles Ă  cette Ă©poque. De retour dans son Paris natal, il met Ă  profit ses compĂ©tences, composant dix-sept opĂ©ras et une grande quantitĂ© de musiques religieuses. On ne compte plus ses messes, psaumes, hymnes, leçons de tĂ©nèbres et autres motets. Poursuivant la voie ouverte par Carissimi, il apporte en France l’oratorio dramatique, rĂ©ussissant une singulière et admirable synthèse des styles italien et français.
Entravé par son rival, le tout-puissant Lully, très peu édité de son vivant, il tombe dans l’oubli après sa mort. Il faudra attendre 250 ans pour que la redécouverte de son oeuvre au début des années 1950 replace le compositeur au coeur de l’attention musicale française. Sa plus grande victoire aura lieu à la télévision. En 1954, le prélude du grand Te Deum en ré majeur H.146 est choisi comme indicatif des émissions internationales en Eurovision. Le thème précède notamment le célèbre Concours Eurovision de la chanson depuis 1956. Charpentier prend depuis une belle revanche sur Lully, car il est maintenant le musicien baroque français le plus joué et le plus enregistré.

Poèmes en prose Ă  la louange de la bontĂ© du Seigneur, les Te Deum du Grand Siècle accompagnaient les moments d’allĂ©gresse nationale, victoires militaires, guĂ©rison du Roi après une maladie, naissance d’un hĂ©ritier royal. Le Te Deum H.146, qui date d’environ 1692, a probablement Ă©tĂ© composĂ© pour cĂ©lĂ©brer la rĂ©cente victoire française Ă  Steinkerque le 3 aoĂ»t 1692.

L’œuvre est Ă©crite en rĂ© majeur, tonalitĂ© gaie et Ă©clatante (qualifiĂ©e par Charpentier de « joyeuse et très guerrière”) et que les compositeurs français baroques affectionnaient pour mettre en musique un Te Deum. L’écriture orchestrale est brillante et l’effet puissant obtenu par divers moyens. D’abord, le musicien utilise un orchestre instrumental beaucoup plus important que n’importe quel compositeur français de musique religieuse prĂ©cĂ©dent. En outre, il exploite au maximum la technique baroque habituelle consistant Ă  opposer des forces orchestrales et chorales complètes Ă  des voix solistes accompagnĂ©es de quelques instruments seulement. Enfin, et c’est peut-ĂŞtre le plus important, Charpentier y dĂ©ploie une remarquable capacitĂ© Ă  fusionner les Ă©lĂ©ments contradictoires du drame et de la dĂ©votion en un tout unifiĂ©, associĂ© Ă  un sens instinctif de l’Ă©clat cĂ©rĂ©moniel.

 

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Zadok the Priest, Haendel (1685 – 1759)

Compositeur allemand, naturalisĂ© britannique, Haendel ou Händel personnifie souvent de nos jours l’apogĂ©e de la musique baroque au cĂ´tĂ© de Bach. Aussi cosmopolite qu’elle soit – mĂŞlant dans le creuset des traditions britanniques la rigueur du contrepoint allemand, la virtuositĂ© italienne, les ouvertures et les danses françaises –, sa musique incarne l’Angleterre georgienne, puissante, Ă©nergique et optimiste, comme celle de l’Italien Lully avait pu reprĂ©senter, une gĂ©nĂ©ration plus tĂ´t, le modèle du style français. C’est Haendel qui inventa et promut l’oratorio en anglais. GĂ©nĂ©ralement composĂ© pour voix solistes, choeur et orchestre, avec parfois un narrateur, le sujet de cette Ĺ“uvre lyrique dramatique est le plus souvent religieux et reprĂ©sentĂ© sans mise en scène, ni costumes, ni dĂ©cors.
Zadok the Priest est l’un des quatre hymnes de couronnement (Coronation Anthem) commandĂ©s Ă  Haendel pour le sacre du roi George II de Grande-Bretagne en 1727. Depuis lors, cet hymne est chantĂ© lors de chaque cĂ©rĂ©monie de couronnement britannique, traditionnellement lors de l’onction du souverain, comme dernièrement pour celle de Charles III.

Il semblerait que Haendel se soit inspiré d’un hymne écrit en 1685 pour le couronnement d’un ancien monarque anglais, Jacques II. Les paroles sont dérivées d’un texte biblique. Il s’agit du récit du sacre du roi d’Israël Salomon dont Sadoq est le grand prêtre du temple. Mais le texte n’est pas directement cité. Haendel s’est contenté de paraphraser la description biblique pour en faire un chant court et mélodieux.

Zadok the Priest est écrit pour un choeur de six voix et un orchestre composé de hautbois, trompettes, bassons, violons, timbales et continuo. Dans une longue introduction, vingt-trois mesures d’arpèges de cordes en crescendo préparent, comme une marche irrésistible, l’entrée monumentale du choeur. Puis le drame est suggéré sur des notes plus longues par le choeur qui chante ensuite la deuxième phrase d’une seule voix, sur un rythme saccadé. Le final, entrecoupé par des Amen, culmine avec des cris de joie sur l’Alléluia. Il se conclut sur un adagio subit et spectaculaire, tel que Haendel les affectionnait pour clore nombre de ses oeuvres. Le succès de cette composition est tel, qu’elle fut de nombreuse fois détournée pour une utilisation plus populaire. C’est ainsi que l’hymne de la Ligue des Champions a été composé en 1992 par Tony Britten en prenant pour modèle Zadok the Priest.

 

Zadok the Priest, and Nathan the Prophet, anointed Solomon King.

And all the people rejoiced, and said : God save the King, long live the King, may the King live for ever !

Amen, Alleluja !

Le prêtre Sadoc et Nathan le prophète oignirent le roi Salomon.

Et tout le peuple se réjouit et dit : Dieu garde le Roi, longue vie au Roi, que le Roi vive toujours !

Amen, alléluia !